Vous avez dit « activité partielle » ?

Depuis la loi du 23 mars 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire, une série de textes (ordonnances, décrets, instructions et autres) ont été publiés afin de mettre en place des mesures exceptionnelles pour faire face à la situation.

Le droit du travail a été particulièrement impacté par ces différentes mesures, afin d’assouplir ou de modifier des régimes applicables.

Sur le devant de la scène : le dispositif de l’activité partielle qui a été fortement remanié afin de l’ouvrir à davantage d’entreprises et de salariés, et d’améliorer la prise en charge de ce dispositif par l’État. Vous trouverez ci-dessous un rappel des règles applicables pour ce dispositif pendant la période de crise sanitaire et jusqu’au 31 décembre 2020.

Vous pouvez également télécharger cette note de synthèse.

  1. Quelles sont les conditions à remplir pour pouvoir bénéficier du dispositif d’activité partielle ?
  2. Quelles sont les entreprises pouvant recourir au dispositif d’activité partielle ?
  3. Quels sont les salariés éligibles à l’activité partielle ?
  4. Quelle est la procédure à respecter pour le placement en activité partielle ?
  5. Quelle est l’indemnisation du salarié placé en activité partielle ?
  6. Quel est le montant de l’indemnisation versée à l’employeur par l’État ?
  7. Quel est l’impact de l’activité partielle sur le contrat de travail du salarié ?
  8. Quels sont les risques existants si l’entreprise a contourné les règles applicables à l’activité partielle ?
  • Quelles sont les conditions à remplir pour pouvoir bénéficier du dispositif d’activité partielle ?

L’employeur peut avoir recours à l’activité partielle, pendant la période de crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19, cette dernière caractérisant une circonstance exceptionnelle telle que prévue par l’article R. 5122-1 du Code du travail, en cas de :

  • Fermeture temporaire de tout ou partie de son entreprise (la « partie » de l’entreprise étant comprise comme un établissement, service, atelier, catégorie de salariés), ou
  • Réduction de l’horaire de travail en dessous de la durée légale (35 heures ou, si elle est inférieure, à la durée conventionnelle ou contractuelle.

Il n’est pas nécessaire de placer tous les salariés de l’entreprise en activité partielle. Le Code du travail autorise le placement des salariés en activité partielle individuellement et alternativement, afin de permettre un « roulement » par unité de production, atelier ou services concernés.

ATTENTION : le recours à l’activité partielle n’est pas automatique. L’employeur sera bien fondé à recourir au dispositif dans les circonstances suivantes :

  • Les salariés sont dans l’impossibilité de travailler car l’activité de l’entreprise est visée par un arrêté de fermeture (arrêté du 14 mars modifié par l’arrêté du 15 mars 2020) ;
  • L’entreprise est confrontée à une baisse d’activité ou des difficultés d’approvisionnement. Cette baisse d’activité ou ces difficultés d’approvisionnement devront être justifiées et expliquées lors du dépôt de la demande ;
  • L’entreprise n’est pas mesure de mettre en place les mesures de prévention nécessaires pour la protection de la santé des salariés pour l’ensemble du personnel.

 

  • Quelles sont les entreprises pouvant recourir au dispositif d’activité partielle ?

Les entreprises de droit privé sont concernées. En outre, l’ordonnance n° 2020-346 a étendu le dispositif aux catégories suivantes :

  • Particuliers employeurs pour les salariés employés à domicile et les assistants maternels ;
  • Entreprises étrangères ne comportant pas d’établissement en France mais qui emploie au moins un salarié dont l’activité s’effectue en France si elles relèvent du régime français de sécurité sociale et de l’assurance chômage
  • Régies gérant un service public de remontées mécaniques ou de pistes de ski ;
  • Entreprises publiques auto-assurées contre le risque de chômage.

Rappelons que les dispositions de cette ordonnance sont applicables jusqu’au 31 décembre 2020.

 

  • Quels sont les salariés éligibles à l’activité partielle ?

Avant la crise sanitaire, les textes excluaient du dispositif un certain nombre de salariés. Désormais, les salariés suivants sont également éligibles à l’activité partielle :

  • Salariés en forfait annuel en jours et en heures même en cas de réduction de l’horaire de travail habituellement pratiqué dans l’établissement ;
  • Salariés soumis à un régime d’heures d’équivalence ;
  • Cadres dirigeants uniquement en cas de fermeture temporaire de leur établissement ;
  • Salariés portés titulaires d’un CDI ;
  • VRP ;
  • Salariés des entreprises de travail temporaire bénéficient de l’allocation complémentaire garantie dans le cadre de la rémunération mensuelle minimale.

 

  • Quelle est la procédure à respecter pour le placement en activité partielle ?

La demande d’activité partielle doit obligatoirement être effectuée sur le portail dédié. Les textes récemment publiés ont procédé à plusieurs assouplissements concernant la procédure devant être respectée par l’employeur, ainsi que les délais d’instruction applicables.

  • L’employeur peut placer ses salariés en activité partielle, depuis le 1er mars 2020, sans autorisation préalable de la Direccte : la demande peut être effectuée dans les 30 jours qui suivent le placement en activité partielle. Toutefois, en raison du nombre très important de demandes formulées, le Ministère du travail a précisé que les demandes d’autorisation d’activité partielle peuvent être présentées par les entreprises jusqu’au 30 avril 2020. Une demande d’activité partielle pourra donc être déposée par une entreprise, avant la fin du mois d’avril, sans que le délai de 30 jours lui soit opposable ;
  • Jusqu’au 31 décembre 2020, l’absence de réponse de la Direccte sous 48 heures vaut décision implicite d’accord (ce délai était précédemment de 15 jours) ;
  • L’autorisation d’activité partielle est accordée pour une durée maximale de 12 mois et non plus 6 mois. Elle peut être renouvelée si l’employeur prend des engagements. Un arrêté du 31 mars 2020 est venu augmenter le contingent annuel d’heures d’activité partielle à 1600 heures pour l’année 2020.
  • La demande d’activité partielle doit normalement être accompagnée de l’avis préalablement rendu par le comité social et économique, si l’entreprise en est dotée. Par dérogation, depuis le 1er mars 2020, en cas de circonstances exceptionnelles (comme c’est le cas actuellement), cet avis peut être recueilli postérieurement à la demande, et transmis dans un délai de deux mois au plus tard à compter de cette demande. En outre, le Ministère du travail est venu préciser que la consultation du CSE ne concerne pas les entreprises de moins de 50 salariés.

 

  • Quelle est l’indemnisation du salarié placé en activité partielle ?

Les heures chômées au titre de l’activité partielle ouvrent droit au paiement d’une indemnité d’activité partielle versée par l’employeur, calculée sur la base de 70% de sa rémunération horaire habituelle. La rémunération brute prise en compte est celle qui sert d’assiette de l’indemnité de congés payés calculée selon la règle du maintien de salaire (et non de la règle du 1/10ème). Cette rémunération est ramenée à un montant horaire sur la base de la durée légale du travail applicable dans l’entreprise ou, lorsqu’elle est inférieure, la durée collective du travail ou la durée stipulée au contrat de travail.

Des règles particulières ont été adoptées compte tenu de la période. Ainsi, les heures d’équivalence sont prises en compte dans le décompte des heures chômées pour le calcul de l’indemnité d’activité partielle.

Des règles particulières ont également été établies pour certains salariés dans le cadre du décret n° 2020-435 du 16 avril 2020 :

  • Salariés dont la durée du travail est fixée par une convention de forfait en heures ou en jours sur l’année ;
  • Personnel navigant de l’aviation civile, dont la durée du travail est organisée sous la forme d’alternance de jours d’activité et de jours d’inactivité ;
  • Salariés VRP ;
  • Travailleurs à domicile ;
  • Journalistes rémunérés à la pige s’ils sont en collaboration régulière ;
  • Les artistes, les techniciens et les ouvriers du spectacle vivant et enregistré, ainsi que les mannequins.

Ce décret précise aussi que les frais professionnels ne sont pas pris en compte dans le calcul de l’indemnité d’activité partielle et revient sur la prise en compte des éléments variables de rémunération.

L’indemnité d’activité partielle est versée aux dates normales de la paie. Le bulletin de salaire doit par ailleurs mentionner le nombre d’heures indemnisées, le taux appliqué pour le calcul des allocations et les sommes versées au titre de l’activité partielle.

L’indemnité d’activité partielle versée au salarié est un revenu de remplacement et bénéficie à ce titre d’une régime social particulier. Cette indemnité est exonérée de l’ensemble des cotisations et contributions sociales. L’indemnité d’activité partielle reste soumise à la CSG (6,2 %) et la CRDS (0,5 %) soit un total de 6, 70% après abattement pour frais professionnels (1,75 %).

Le dispositif d’écrêtement des prélèvements sociaux est applicable : le précompte des contributions sociales ne peut avoir pour effet de porter la rémunération nette du salarié en-deçà du SMIC brut. Les salariés percevant une indemnité mensuelle égale au SMIC brut sont donc exonérés de prélèvements sociaux.

L’employeur a la possibilité de verser une indemnité d’activité partielle supérieure à l’indemnité légale et décider, par exemple, d’indemniser le salarié à hauteur de 100% de son salaire habituel.

Dans un tel cas, le complément d’indemnité est soumis au même régime social que l’indemnité principale.

En revanche, lorsque l’employeur indemnise les heures chômées non indemnisables au titre de l’activité partielle (celles excédant la durée légale du travail par exemple), ces heures sont assujetties aux cotisations et contributions sociales « classiques ».

S’agissant des cotisations de prévoyance, les organismes assureurs ont adopté une position commune selon laquelle « sauf indication contraire de l’organisme complémentaire, les assiettes habituelles servant au calcul des cotisations de la prévoyance, de la complémentaire santé et de la retraite supplémentaire doivent inclure les indemnités versées au titre de l’activité partielle tout comme les allocations complémentaires d’activité partielle ».

 

  • Quel est le montant de l’indemnisation versée à l’employeur par l’État ?

Le décret n° 2020-325 a augmenté le montant des allocations versée à l’employeur par l’État dans le cadre du remboursement des indemnités d’activité partielle versées aux salariés afin de réduire (voire supprimer) le reste à charge pour l’employeur.

À compter du 1er mars 2020, le taux horaire de l’allocation d’activité partielle est égal pour chaque salarié concerné à 70 % de la rémunération horaire brute dans la limite de 4,5 fois le taux horaire du Smic. Ce taux horaire ne pourra pas être inférieur à 8,03 euros, sauf pour les salariés en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation.

Dans le cas où l’employeur a décidé de verser une indemnité d’activité partielle supérieure au montant prévu par le Code du travail, l’indemnisation de l’État se limitera au montant prévu par les textes applicables.

Le dernier questions/réponses du Ministère du Travail précise enfin que l’employeur peut décider de ne pas faire de demande d’indemnisation auprès de l’État alors qu’il a eu recours au dispositif d’activité partielle.

 

  • Quel est l’impact de l’activité partielle sur le contrat de travail du salarié ?

Le placement des salariés en activité partielle ne constitue pas une modification du contrat de travail : elle s’impose aux salariés, et ceci y compris aux salariés protégés depuis l’ordonnance n° 2020-346 du 27 mars (ce qui n’était pas le cas précédemment).

Le contrat de travail des salariés placés en activité partielle est suspendu pendant les heures chômées. Cette suspension du contrat a des incidences sur les droits des salariés.

  • Concernant les congés payés: la totalité des heures chômées, indemnisées ou non, est prise en compte pour le calcul de l’acquisition des droits à congés payés. En outre, l’indemnité de congés payés reste calculée sur la rémunération habituelle et non sur l’indemnité d’activité partielle ;
  • Concernant la possibilité de travailler chez un autre employeur pendant la période d’activité partielle: les salariés placés en activité partielle peuvent, durant la suspension de leur contrat ou de la réduction de leur horaire de travail, travailler chez un autre employeur, sauf clause d’exclusivité contraire. Ce cumul d’emploi devra toutefois se faire dans le respect de l’obligation de loyauté. Le salarié cumulera alors l’indemnité d’activité partielle versée par son employeur habituel avec le salaire perçu chez l’autre employeur.
  • La période d’activité partielle ne permet pas de valider de trimestres d’assurance vieillesse lorsqu’il y a suspension totale du contrat de travail. Concernant la retraite complémentaire, la période d’activité partielle supérieure à 60 heures au cours d’une même année ouvre droit à l’attribution de points au titre du régime de retraite complémentaire Agirc- Arrco.
  • Concernant l’épargne salariale: l’activité partielle est également prise en compte pour la répartition de la participation et de l’intéressement lorsque cette répartition est proportionnelle à la durée de présence du salarié. Lorsque cette répartition est proportionnelle au salaire, les salaires à prendre en compte sont ceux qu’aurait perçus le salarié s’il n’avait pas été placé en activité partielle.

 

  • Quels sont les risques existants si l’entreprise a contourné les règles applicables à l’activité partielle ?

Le Gouvernement a alerté à plusieurs reprises sur le fait que des contrôles a posteriori seront diligentés pour s’assurer que les règles relatives à l’activité partielle ont bien été respectées.

Les risques sont nombreux en cas de méconnaissance des règles : risque pénal (poursuites pour fausse déclaration, pour travail dissimulé notamment), risque civil (les salariés qui ont continué de travailler alors qu’ils étaient en activité partielle pourront demander un rappel de salaires, outre une indemnisation pour travail dissimilé. L’État pourra également demander le remboursement des sommes perçues).

Pour éviter toute difficulté au moment du contrôle, l’entreprise qui aura mis en place l’activité partielle dans le cadre d’une réduction d’activité devra être en mesure de démontrer qu’elle a informé les salariés (i) de la réduction d’activité, (ii) du temps de travail qu’ils devront accomplir et (iii) du fait qu’il leur est demandé de ne pas travailler pendant la période d’activité partielle.

La communication d’un planning déterminant les plages horaires de travail et l’envoi d’un mail par les salariés de façon hebdomadaire afin d’indiquer leur durée de travail devraient permettre aux employeurs de disposer d’éléments de preuve tangibles en cas de contrôle.

 

DERNIÈRE MINUTE :

Le projet de loi de finances rectificative pour 2020, tel qu’adopté en 1re lecture Assemblée nationale le 17 avril 2020, comporte un article permettant le placement en activité partielle de certains salariés qui, actuellement, relèvent d’un régime d’arrêt de travail dérogatoire (parents d’enfants de moins de 16 ans dans l’impossibilité de travailler, etc.).

Cette mesure permettra d’alléger les entreprises de la charge financière liée au maintien de salaire à hauteur de 90 % du brut ou des éventuels maintiens de salaire conventionnels plus favorables aux salariés.

L’article 10 du projet de loi prévoit actuellement que les salariés seraient placés en activité partielle à compter du 1er mai 2020, quelle que soit la date du premier jour de l’arrêt de travail, pour toute la durée de maintien à domicile. Ce placement en activité partielle s’effectuerait même si l’entreprise dont relève le salarié n’est pas elle-même en activité partielle (pas de fermeture ou pas de réduction de l’horaire de travail en deçà de la durée légale).

Le Sénat doit examiner ce texte le 21 avril prochain.

 

Textes de référence :

Ordonnance n°2020-346 du 27 mars 2020 publié au JO le 28 mars

Ordonnance n° 2020-428 du 15 avril 2020 publié au JO le 16 avril

Décret n° 2020-325, 25 mars 2020 publié au JO le 26 mars

Décret n° 2020-435 du 16 avril 2020 publié au JO le 17 avril

Questions réponses du Ministère du travail mis à jour au 10 avril 2020