Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat : le point sur la modification des textes et les précisions ministérielles

La prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (dite PEPA) avait été mise en place à la suite du mouvement de « gilets jaunes » afin de permettre aux entreprises de verser à leurs salariés une prime assortie d’un avantage fiscal et social. La PEPA évolue désormais vers une prime devant permettre de « récompenser » les salariés qui ont continué à travailler pendant la crise sanitaire.

Vous trouverez ci-dessous un résumé des dispositions applicables concernant la PEPA, à jour des dernières précisions (certaines controversées) du Ministère du Travail.

Vous pouvez également télécharger cette note de synthèse.

  1. Quelles conditions doivent être remplies pour mettre en place la PEPA ?
  2. Quels sont les salariés éligibles à la PEPA ?
  3. Est-il possible de moduler le montant de la PEPA en fonction des salariés ?
  4. Est-il possible de verser la PEPA en plusieurs échéances ?
  5. Est-il possible de ne verser la PEPA qu’à des salariés de certains établissements ?

Quelles conditions doivent être remplies pour mettre en place la PEPA ?

 L’employeur pouvait la mettre en place soit par accord conclu selon les mêmes modalités qu’un accord d’intéressement, soit par décision unilatérale. L’accord doit en principe être conclu préalablement au versement de la prime, tandis que le dépôt peut être réalisé postérieurement, dans le respect des délais applicables.

Au moment de la création de la PEPA, la prime pouvait être versée au plus tard jusqu’au 30 juin. Désormais, en application de l’ordonnance n° 2020-385 du 1er avril 2020, la PEPA peut être versée jusqu’au 31 août 2020.

Par ailleurs, précédemment, pour bénéficier des avantages sociaux et fiscaux prévus par les textes, la prime devait être d’un montant maximum de 1.000 € et l’entreprise la versant devait être couverte par un accord d’intéressement. Désormais :

  • Une entreprise qui ne dispose pas d’un accord d’intéressement peut mettre en place et octroyer une prime exonérée dans la limite de 1.000 ;
  • Cette limite est portée à 2.000 si l’entreprise met en œuvre un accord d’intéressement à la date de versement de la prime.

Le « Questions-Réponses » du Ministère du Travail du 17 avril 2020 concernant le versement de la PEPA précise qu’à défaut d’accord d’intéressement, la part excédant 1.000 € devra être réintégrée dans l’assiette des cotisations sociales et assujetti à l’impôt sur le revenu. Ce document ne lie toutefois pas les URSSAF.

Attention : auparavant, le non-respect de la condition relative à l’accord d’intéressement faisait l’objet d’une sanction plus stricte puisqu’il entrainait la réintégration de l’ensemble des primes dans l’assiette des cotisations sociales et de l’impôt sur le revenu.

L’accord d’intéressement doit, en principe, être conclu pour trois ans couvrant la période de versement de la prime (soit du 28 décembre 2019 au 31 août 2020). Toutefois, le législateur a autorisé la conclusion d’accord pour une durée dérogatoire allant d’un à trois ans si l’accord est conclu entre le 1er janvier et le 31 août 2020. Ceci vaut pour une entreprise dont l’exercice fiscal est l’année civile.

Attention : la possibilité de conclure un accord dérogatoire n’est offerte qu’aux entreprise qui auraient dû conclure leur accord d’intéressement en 2020 selon les règles de droit commun. Ainsi, une entreprise ayant un exercice fiscal courant du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020 ne peut conclure un tel accord dérogatoire puisque, selon les règles de droit commun, l’accord d’intéressement aurait dû être conclu au plus tard le 31 décembre 2019.

Quels sont les salariés éligibles à la PEPA ?

 La PEPA est ouverte :

  • aux salariés titulaires d’un contrat de travail à la date de versement de la prime ou à la date de dépôt de l’accord collectif ou de signature de la décision unilatérale de l’employeur actant le dispositif ;
  • aux intérimaires mis à disposition dans une entreprise utilisatrice (à la date de versement de la prime ou à la date de dépôt de l’accord ou de signature de la décision unilatérale) attribuant la prime à ses salariés ;
  • à l’ensemble des personnels relevant d’un établissement public à la date de versement de la prime ou à la date de dépôt de l’accord ou de signature de la décision unilatérale (salariés, contractuels de droit public ou privé, fonctionnaires…) ;
  • aux travailleurs handicapés bénéficiaires d’un contrat de soutien et d’aide à l’emploi à la date de versement de la prime ou à la date de dépôt de l’accord ou de signature de la décision unilatérale et relevant des ESAT.

Le « Questions-Réponses » précise deux points :

  • l’accord collectif ou la décision unilatérale instituant le dispositif doit préciser explicitement la date retenue par l’entreprise ou l’établissement pour déterminer l’éligibilité des bénéficiaires ;
  • concernant les intérimaires, la condition de présence définie par l’accord ou la décision unilatérale est appréciée au niveau de l’entreprise utilisatrice et non au niveau de l’entreprise de travail temporaire.

Est-il possible de moduler le montant de la PEPA en fonction des salariés ?

Le montant de la PEPA octroyé aux salariés est fixé par la décision unilatérale de l’employeur ou par l’accord qui la met en place. Ce montant peut être identique pour tous les bénéficiaires ou modulé selon des critères limitativement énumérés.

L’ordonnance n° 2020-385 a ajouté un nouveau critère permettant de moduler le montant de la prime : celui des « conditions de travail liées à l’épidémie de Covid-19 ». Il est donc désormais possible de faire varier le montant de la prime entre les salariés qui ont occupé leur poste sur leur lieu de travail durant l’épidémie, faute de pouvoir télétravailler.

Les critères de modulation de la PEPA autorisés sont donc au nombre de quatre :

  • la rémunération ;
  • le niveau de qualification ou de classification ;
  • les conditions de travail liées à l’épidémie de Covid-19 ;
  • la durée de présence effective de l’année écoulée, en particulier pour les salariés entrés en cours d’année et, pour les salariés à temps partiel, la durée de travail prévue au contrat.

Ces critères peuvent être combinés entre eux. Ils s’apprécient sur les 12 mois précédant le versement de la prime, à l’exception du critère relatif aux conditions de travail liées à la crise sanitaire.

Le « Questions-Réponses » du 17 avril 2020 apporte des précisions concernant le nouveau critère des conditions de travail. Le document précise qu’il est possible :

  • de majorer substantiellement la prime pour l’ensemble des salariés ayant continué leur activité pendant la période d’urgence sanitaire ou seulement pour les personnes ayant été au contact du public (dans ce cas, l’appréciation sur 12 mois des conditions d’octroi de la prime ne s’applique pas) ;
  • de tenir compte des différences dans les conditions de travail des salariés ayant continué leur activité (par exemple : différencier le niveau de la prime des salariés en télétravail de celui versé à ceux qui ne pouvaient pas recourir au télétravail et ont dû se rendre sur leur lieu de travail) ;
  • de majorer la prime pour les salariés ayant été astreints de se rendre sur leur lieu de travail habituel pendant une large part de la période d’urgence sanitaire, par rapport à celle versée à des salariés ayant subi ces conditions de travail pendant une plus courte période.

Toutefois, le Ministère va au-delà d’une simple modulation de la PEPA sur la base des conditions de travail puisqu’il indique que le critère des conditions de travail liées à l’épidémie vise à « permettre de récompenser la possibilité de prendre en compte la présence effective du salarié, en excluant, par exemple, les salariés en télétravail ».

Le texte légal et l’instruction ministérielle du 15 janvier 2020 (instr. DSS/5B 2020-11 du 15 janvier 2020 pour la PEPA 2020) ne prévoient qu’un seul cas d’exclusion : la prime peut être versée à une partie seulement des salariés et l’accord ou la décision unilatérale peut exclure les salariés dont la rémunération est supérieure à un plafond.

Le Ministère du travail prévoit donc un second cas d’exclusion ce qui semble contraire à l’esprit de la loi et susceptible de remettre en cause le caractère collectif du dispositif, notamment lors d’un contrôle URSSAF. Il convient à ce sujet de rappeler que le « Questions-Réponses » n’est pas opposable aux URSSAF.

Le Ministère revient également sur l’interdiction des primes nulles en cas de modulation (qui était mentionné dans l’instruction du 15 janvier 2020) puisqu’il précise par ailleurs que la mise en place des autres critères de modulation pourrait conduire à une absence de prime en portant son montant à zéro. Cette précision est en contradiction avec l’instruction ministérielle du 15 janvier 2020 dans laquelle il est clairement indiqué que, si un critère de modulation pouvait faire varier le montant de la prime, il était exclu qu’il conduise à priver de prime un salarié qui y était éligible prime.

Est-il possible de verser la PEPA en plusieurs échéances ?

La PEPA peut faire l’objet d’un paiement en plusieurs échéances pourvu que l’intégralité de la prime soit versée au plus tard le 31 août 2020. Une exception à ce principe : les entreprises de travail temporaire sont autorisées à verser la prime à leurs intérimaires en mission après la date limite de versement prévue par la loi.

Attention : lorsque la PEPA est versée en plusieurs échéances, les critères d’attribution ne peuvent pas être définis différemment pour chacune de ces échéances : il s’agit d’une seule prime devant obéir aux mêmes critères. Toutefois, les entreprises qui ont déjà versé une PEPA dans les conditions en vigueur avant le 1er avril 2020 (sur la base de l’article 7 de la LFSS pour 2020) peuvent compléter leur versement initial par avenant à l’accord ou à la décision unilatérale. Cet avenant pourra alors prévoir des critères d’attribution du complément de PEPA différents pour le second versement.

Est-il possible de ne verser la PEPA qu’à des salariés de certains établissements ?

L’employeur n’est pas dans l’obligation d’attribuer la prime à tous les établissements de l’entreprise. Il peut attribuer la prime à tous les salariés de l’entreprise ou seulement à ceux relevant d’un ou plusieurs établissements. Les établissements éligibles devront alors être mentionnés dans l’accord ou la décision unilatérale de l’employeur.

 

Notre cabinet est à votre disposition pour faire un point sur la PEPA et ses modalités de mise en œuvre.